- Iconographie (Personnages / Caractères / Expressions, Lieux / Repérages / réalisme, Le temps / L’époque, Les autres éléments récurrents).
- Le feuilleton, une forme de narration.
- L’Histoire, la grande, et les petites.
Figures et paysages : une approche graphique.
Iconographie
Personnages / Caractères / Expressions
Adèle Blanc-Sec est une chipie, c’est à dire encline à jouer des tours. On peut même dire qu’elle a mauvais caractère. C’est une romancière et dans le premier album de la série « Adèle et la bête », son personnage est planté : une jolie fille presque toujours vêtue d’un pardessus vert (toujours le même vert, même pour les scènes de nuit), affublée de chapeaux extravagants, et qui arbore une éternelle moue boudeuse. En cela, elle correspond encore aux codes de la bande dessinée dite de la ligne claire, tel le Tintin de Hergé que l’on reconnaît grâce à sa houppe, son pantalon de golfeur et son éternel chandail bleu. Tous les aspects de sa personnalité sont renforcés par l’écriture graphique, le dessin de sa bouche étant en tout premier lieu caractéristique, qui a influencé dès lors tous les personnages féminins dans les bandes dessinées que TARDI a dessiné par la suite. Adèle est une des premières héroïnes féminines de la bande dessinée, née à une époque de grands débats féministes (les années 70). Elle est donc indépendante, se fie peu à ce que l’on dit d’elle, n’en fait qu’à sa tête.
Dans le tableau ci-dessous d’Alphonse Mucha (« Amérindienne avec des fleurs et des plumes », 1905), on reconnaît ces mêmes éléments : la forme du nez, l’arrondi du visage, et surtout cette bouche à la lèvre supérieure si particulièrement ourlée que la lèvre inférieure semble effacée.
Le visage d’Adèle a évolué depuis les premiers albums, où ses traits étaient plus aigus, plus impertinents peut-être, alors que dans sa version ‘récente’, les éléments de son visage sont identifiables mais arrondis, cela accentue son expression boudeuse.
TARDI redessina les couvertures des premiers albums pour en harmoniser les dessins dans le cadre d’une nouvelle édition.
Inspiration
TARDI ne dédaigne pas donner à son héroïne des poses directement inspirées des tableaux classiques, comme ici la « Naissance de Vénus » de Botticelli, référence à sa formation aux Beaux-Arts, insufflant un peu de sensualité au personnage d’Adèle. TARDI la représentera nue ou dans des poses suggestives, en albums ou en lithographies (éditions limitées), voire certains dessins publiés en revue spécialisée comme Playboy en 1987), soulignant ainsi que ses bandes dessinées s’adressent plutôt à un public adulte (sans doute que TARDI aime bien jouer avec ses personnages).
On peut deviner que Sarah Bernhardt fût un modèle pour la création d’Adèle et ses costumes, puis qu’elle inspira plus directement le personnage de Clara Benhardt, actrice et ennemie d’Adèle dans « Le démon de la tour Eiffel ». C’est peut-être là la naissance de l’idée de double de personnalité, qui prendra forme avec l’apparition de la sœur d’Adèle dans « Tous des monstres » et de ses clones dans « Le labyrinthe infernal ».
Dans Les aventures d’Adèle Blanc-Sec, il y a un jeu d’emboîtement, de mise en abîme, où l’on voit Adèle consulter ses propres publications dans lesquels elle romance ses aventures, discuter avec son éditeur, contester des couvertures illustrées qui se révèlent être des indices pour la résolution de l’enquête. Les propos tenus par Adèle et son éditeur font sens dans l’histoire mais sont le reflet de ceux que TARDI a pu entendre ou partager lui-même en tant qu’auteur.
Un peu plus loin, on voit Georgette Chevillard se faire confisquer par son père un livre « Le démon des glaces » de JTARDI, livre préféré de son fiancé disparu et que son père traite ‘d’ouvrage imbécile à mettre au feu’. C’est un dialogue au milieu de l’intrigue, entre l’auteur et ses personnages, les commentaires faisant un va-et-vient entre fiction et réalité. Un jeu permanent que l’on retrouve dans presque tous les albums de TARDI, et qu’il poussera à son paroxysme dans Stalag IIB. Il s’y représente enfant, en dialogue imaginaire avec son père à une époque où celui-ci ne l’a pas encore conçu, alors qu’il est déjà mort dans la vraie vie.
auto-citation
Les bureaux d’Adèle Blanc-Sec et de Nestor Burma, sont très semblables si ce n’est la momie d’Adèle qui s’est émancipée depuis et cède sa place à un écorché. On pourrait croire que Burma s’est plu à occuper le bureau d’Adèle, dans une évidente continuité. Tous deux détectives à leur manière, ils fument (la fumée qui s’échappe de leur cigarette ou pipe peut être interprétée comme une matérialisation de leur réflexion), ils consomment le même alcool (forme identique de la bouteille), s’entourent d’un rassurant capharnaüm d’archives et de vieux livres.
Les albums de Bandes Dessinées de TARDI sont truffées, au sens gourmand du terme, de clins d’œil, de références à d’autres auteurs mais aussi à lui-même. Ainsi certaines images qui utilisent les mêmes procédés graphiques tendent à l’auto citation, voire à la parodie. ► Le ou les personnage(s) sont acculés derrière une accumulation d’animaux monstrueux.
◄ Ici, les personnages sont représentés au milieu d’êtres ailés dont les couleurs aux tonalités neutres tranchent avec la peau nue, mettant en scène (en rêve) leur vulnérabilité. « la véritable histoire du soldat inconnu », « Adèle et la bête »
Auto citation encore ►
Le roman « Le démon des glaces » reproduit à la fin de « Momies en folies » : non seulement les personnages font la liaison d’un livre à l’autre, mais TARDI n’hésite pas à en dessiner l’auteur, qui lui ressemble sans être tout à fait lui-même. C’est une auto citation de fiction !
Les personnages de TARDI passent aisément d’un album à l’autre, les aventures de Brindavoine continuent avec Adèle Blanc-Sec, qui, on l’a vu, partage son bureau avec Nestor Burma, lequel est soldat comme Brindavoine. Les Chapoutier, Gelati, Plumier et Pouffiot du « Démon des glaces » s’assassinèrent les uns les autres après avoir ourdi un complot contre Adèle dans « Momies en folies » …
Sans compter la ressemblance physique qui unie les figures de la police, le commissaire Laumanne (en référence au Lohmann de « M le Maudit » de Fritz Lang), la patronne de « La débauche », le Faroux de « 120, rue de la gare » ou encore Mespluchet dans « Le cri du peuple ».
Les personnages de TARDI forment une grande famille, où l’on reconnaît dans plusieurs personnages féminins une ressemblance avec la femme de TARDI, où lui-même se dessine ici et là, façon caméo d’Hitchcock. .
► (ill : Hélène Châtelain « Nestor Burma » et pochette CD de Dominique Grange femme de Jacques Tardi) Dans l’image de « La débauche », clin d’œil au journaliste de Nestor Burma, et à la salamandre d’Adèle.
Parmi les personnages de TARDI, et en dehors des figures emblématiques d’Adèle Blanc-Sec et de Nestor Burma (plusieurs albums pour chacun), il en est un autre tout aussi récurrent : le soldat. Il n’a pas toujours de nom, c’est l’anonyme, le gars qui se fait avoir par la hiérarchie et la patrie, qui est voué à devenir chair à canon, qui déguste en maudissant le drapeau mais qui y va, droit sous les tirs d’en face et meurt sous les bombes, ou rentre la gueule cassée. Mais c’est aussi Brindavoine qui déserte, et perd un bras par la même occasion.
Comme ces soldats, les personnages de TARDI sont des anti-héros qui souffrent, et l’inutilité de leur souffrance, est rendue tragique ou grotesque à l’image de cet homme pris dans des barbelés :« on aurait dit un insecte pris dans une toile d’araignée ».
Voilà un personnage qui hante l’œuvre de TARDI depuis sa toute première bande dessinée. C’était déjà une histoire de poilu de 14-18, mais elle fut refusée par Gosciny, à l’époque, directeur de Pilote. Il faudra attendre « Adieu Brindavoine » puis « La fleur au fusil », puis on ne compte plus les apparitions de ce Varlot, tant dans des histoires édifiantes, qu’au milieu d’albums plus fantaisistes. Qu’il soit ou non la figure principale d’un album, il y en a un presque à chaque fois. Un soldat comme l’était son père, un soldat quelque soit la guerre.
« Mon travail est d’abord fondé sur une indignation personnelle. On me demande souvent si la Première Guerre mondiale est une obsession chez moi. Non, c’est, comme pour beaucoup, d’abord des histoires de famille ».
Jacques Tardi (dans CQFD n°128 : entretien avec J.Tardi et D.Grange)
Lieux / Repérages / réalisme
Si les personnages que crée TARDI ont des caractères forts, et des traitements graphiques conséquents, une des particularités du travail de TARDI est l’importance donnée au décor.
Parmi les éléments récurrents dans l’œuvre de TARDI on ne peut ignorer sa passion toute singulière pour le dessin des trottoirs détrempés des pavés de Paris, les verrières, le Jardin des Plantes et la galerie de la paléontologie, les immeubles officiels et les sculptures qui ponctuent les rues.
Le traitement des bâtiments est réaliste, rigoureux. Cela crée un fort contraste avec les personnages qui eux frôlent la caricature, mais pourtant l’ensemble est cohérent, les ensembles architecturaux créent des espaces ou prennent place des ponts métalliques, des voûtes, créant ainsi des rythmes, des cadences dans l’image.
TARDI qualifie son style d’expressionniste, avec des personnages caricaturés dans des décors réalistes (p.144 du livre « TARDI – Entretiens avec Numa Sadoul » éditions Niffle-Cohen).
Pour les besoins d’un décor, TARDI a recours systématiquement au repérage, c’est un peu sa marque de fabrique. Il se déplace et glane un maximum d’information in situ, en dessinant, ou photographiant. L’observation est la base du dessin, et sa formation classique (Beaux-Arts, et Arts décoratifs) n’y est sans doute pas pour rien, car une fois les bases acquises, que ce soit celles de l’anatomie humaine ou de la perspective et ses lignes de fuite, un dessinateur est libre ensuite de créer son style, sans crainte de voir ses personnages s’évaporer ou ses ponts s’écrouler.
Le temps / L’époque
Lorsque TARDI ne peut pas se déplacer, lorsque les lieux n’existent plus, il a recourt à une documentation très fournie, sous forme de photographies, catalogues de manufactures, ouvrages historiques, journaux illustrés, publicité, etc. Il semblerait que la constitution et l’accumulation de documentation ainsi que l’ensemble des repérages occupe une grande partie de son temps et de son plaisir d’auteur.
La collaboration qu’il entretient avec l’historien et collectionneur Jean-Pierre Verney, spécialiste de la première guerre mondiale, est sans doute basée sur cette passion commune pour les détails de l’histoire car ils constituent la part de vérité et de quotidien des gens. Pour le Nestor Burma de Léo Malet, TARDI évoque le plaisir nostalgique des repérages à la recherche d’un Paris disparu.
N’oublions pas que lorsque débuta TARDI, il y a bien quarante cinq ans, il n’était pas aussi facile que maintenant, d’acquérir des documents anciens. Internet n’existait pas, et les recherches devaient prendre tournure d’enquête.
De même que la documentation imagée est nécessaire pour faire d’un dessin une base solide pour une histoire, TARDI nourrit ses livres d’ anecdotes véridiques, recueillies essentiellement par le témoignage. Les membres de sa famille furent parmi les témoins privilégiés, et la rencontre avec d’anciens combattants, ont rapporté des ‘anecdotes’ qui ne sont pas dans les manuels d’histoire. L’œuvre de TARDI se construit ainsi d’évènements mineurs mais réels qui rendent poignantes les aventures de ses personnages, qui témoignent à leur tour et transmettent au lecteur une réalité, celle de la guerre, qu’il ne peut connaître autrement.
Comme on le constate sur les images ci-dessus ( accident spectaculaire de la gare Montparnasse du 22 octobre 1895 ), la documentation est primordiale pour que le dessin soit réaliste. Cependant TARDI prend la liberté d’adapter le dessin pour qu’il soit plus efficace ou mieux construit. Ici, il rajoute de la fumée pour signifier que l’accident vient de se produire, ce qui l’amène à rétrécir la porte d’entrée de la gare, et à surélever la terrasse supérieure en créant des verrières. Le dessin est ainsi ‘arrangé’ de sorte à ce qu’il offre un maximum de lisibilité au lecteur. Ce qui compte est la vraisemblance du dessin.
Par exemple, il rétrécira une rue si cela lui permet de créer des parallèles ou des lignes de fuites en cohérences avec la place d’un personnage dans cette rue, son choix de cadrage, ou avec l’harmonie de l’ensemble de la page.
Ce qui compte à la fin n’est pas le respect rigoureux de la réalité, mais de s’en servir pour aller vers un dessin réaliste.
L’observation et la découverte lors d’un repérage, d’un élément incongru ou inhabituel, le charme d’une porte dérobée ou autre détail d’architecture peut être à l’origine d’une idée, d’une nouvelle inspiration, et exploitée pour le scénario qui prendra alors une nouvelle direction, surtout si TARDI est lui-même l’auteur.
Les autres éléments récurrents
Outre la présence du décor urbain, il est des éléments qui reviennent tout au long l’œuvre de TARDI.
Les histoires se situent souvent à des époques où la science et les techniques étaient sources de progrès et d’espoir d’amélioration, où l’on rêvait d’un monde meilleur, plus particulièrement le XIXe siècle, la révolution industrielle.
Des machines inventées ou non créent alors un univers fantasmagorique même si elles échappent la plupart du temps à leur inventeurs, des savants fous ou naïfs. Certaines histoires ne mettent en scène ni la science, ni le progrès, TARDI dessine alors à loisir des grues, des canons, des armes, des instruments qui introduisent des éléments durs, artificiels, froids. Des éléments hostiles auprès desquels les personnages semblent petits, mous et vulnérables.
Autres éléments récurrents : les animaux étranges, étranges par leur forme, par leur présence anachronique, leur nombre ou bien leur taille anormale. Des animaux qui ensevelissent, envahissent, qui tuent accidentellement ou pas. Étranges également ou plutôt monstrueux, des personnages de foire, en marge, des estropiés, des visages défigurés, et des déguisements en tout genre traversent fréquemment les pages des albums de TARDI.
Malgré une fantaisie assumée des scenarii, TARDI recourt à une documentation formidable qui donne du poids à ses histoires :
Statuette de Pazuzu Mésopotamie du Ier millénaire av. J. C., le roi des démons du vent / Une image anti-maçonnique par le publicitaire Abel Clarin de la Rive, 1894.
TARDI a créé un univers si particulier et personnel que dans son livre d’entretiens, Numa Sadoul utilise le mot de ‘folklore’. Un folklore présent et identifiable, autant dans les albums fantaisistes, que dans les histoires dramatiques.
Un folklore qui s’approche de ce que l’on nomme aujourd’hui le Steampunk, et qui est à l’honneur dans un des derniers projets de TARDI « Avril et le monde truqué » : un monde uchronique dominé par les machines à vapeur (steam) et les rouages du XIXe siècle, un univers lié à l’époque victorienne, mais emprunt de futurisme, un monde qui n’existe pas, faits d’éléments qui auraient pu exister, et directement inspirés par les romans de Jules Verne ou du « Metropolis » de Fritz Lang (1927).
Dans « Robur le conquérant » ou « Les maîtres du monde », Jules Verne a inventé toutes sortes de machines volantes, sources d’inspiration pour TARDI, on y retrouve des éléments identiques, parfois assemblés différemment, vapeur et cheminées, turbines et rouages, acier, chaînes et boulons, l’incongruité d’un vaisseau volant, des monstres métalliques.
< affiche du film tiré du roman de Jules Verne
« Les Cinq Cents Millions de la Bégum », JulesVerne, ill. Leon Bennet,1878 / Edgard P.Jacobs / TARDI « Le savant fou » / « La crainte du sloane aux yeux bleus » / paru dans Métal Hurlant en 1975 / Dessin préparatoire de TARDI pour le dessin animé « Avril et le monde truqué »▼ …
… réalisé par Franck Ekinci et Christian Desmares, 2015
Le feuilleton, une forme de narration
« Pour moi, la raison d’être de la bande dessinée est justement le côté feuilletonesque. » Jacques Tardi
(p.51 du livre « TARDI – Entretiens avec Numa Sadoul » éditions Niffle-Cohen).
Il est clair que les premières publication de TARDI se situent dans la droite ligne de la tradition feuilletonesque, de la littérature de la fin du XIXe siècle, du roman feuilleton façon Alexandre Dumas ou Jules Verne évidemment. Le feuilleton, c’est la littérature ferroviaire, un genre que définit plus la forme que le fond. Une littérature découpée en épisodes, pré publiée dans la presse, capable de vous tenir en haleine et de vous faire passer le temps pendant les transports (train). Comme on l’a vu, TARDI peut se laisser entraîner et changer son scénario au fur et à mesure qu’il dessine, ne sachant jamais vraiment ou tout cela va le conduire. Dans Adèle Blanc-Sec qu’il qualifie donc plus de feuilleton que de série (en faire une série l’ennuierait), TARDI se permet de tenir des promesses au lecteur en fin d’album, sans savoir s’il réussira à les tenir. Voici donc le principe d’une histoire qui n’en finit pas «…suite au prochain numéro ». Il s’agit de résoudre quelques énigmes, d’en laisser d’autres en suspend, faire rebondir l’histoire régulièrement en essayant de ne pas se perdre. Le tout en 46 pages, seule contrainte apparente.
Une contrainte dont TARDI se débarrasse dans d’autres albums, Nestor Burma de Léo Malet est en effet une littérature, le roman noir, qui peut s’apparenter au feuilleton, mais qui a nécessité près de 200 pages pour son adaptation en bande dessinée (« 120 , rue de la gare »).
Les gravures de Léon Bennet ou Alphonse de Neuville ont illustré les romans de Jules Verne aux éditions Hetzel. Les illustrations dont s’accompagne le feuilleton, sont liées à une époque, à l’art du XIXe siècle, l’Art Nouveau en particulier. Nous le constatons en disposant côte à côte les illustrations originales à celles de Mucha par exemple, puis celle de TARDI, qui illustra un roman inédit de Jules Verne en 1992. La boucle est bouclée comme on dit.
Tout ceci forme un terreau fertile pour TARDI qui s’épanouit en s’inspirant, copiant et même en parodiant les codes du genre. Ainsi il se permet d’être « incohérent » voire « fantaisiste », libre de changer son scénario, met des tentacules un peu partout, termine souvent en catastrophe (et pour certains albums, ça se voit !)
Ainsi « Le Sphinx des glaces » de Jules Verne devient « Le démon des glaces » chez TARDI.
« Le démon des glaces » de TARDI, entre deux gravures des éditions Hetzel.
On reconnaît les même procédés de mise en page, et Tardi ira jusqu’à imaginer une technique de grattage sur feuille cartonnée, afin d’imiter l’effet des gravures anciennes qui illustraient les livres de Jules Verne.
L’Histoire, la grande et les petites
La commune de Paris 1871
Combats 1871 Huile sur toile de Sardey, 1907 / Fusillades du 3 mai Francisco Goya 1814 / TARDI, « le cri du peuple ».
Sur ces trois représentations de fusillades, on identifie la même composition, inversée chez TARDI. Le regard se porte en premier sur les hommes dos au mur, prêts à mourir ou déjà exécutés, on remarque ensuite les soldats, en rang, leur faisant face. Le regard circule. Contrairement au tableau de Goya, où seuls les soldats incarnent la répression, (un homme d’église est aux pieds de l’homme bras ouverts, priant vers le sol), chez TARDI les soldats en bleu et rouge, sont encadrés par la bourgeoisie en bleu également, et l’église en la personne d’un curé priant vers le ciel. Des obliques rythment les compositions, pourtant les tableaux sont nettement séparés en leur centre, deux zones symétriques s’affrontant, à l’axe vertical, le peuple d’un côté, la répression de l’autre. C’est chez TARDI que cette dichotomie est la plus évidente. A gauche, la société de l’ordre est regroupée devant le drapeau tricolore en une zone colorée. A droite, le drapeau rouge de la commune gît au sol, devant un peuple agonisant, aux teintes désaturées. L’extrémité du fusil du premier soldat pointe le centre de l’image. Le drapeau comme le peuple est taché de sang.
Entre ce document « la foule devant l’hôtel de ville », gravure décrivant une scène de la commune de 1871, et le dessin de TARDI, « Le cri du peuple », on reconnaît non seulement le même bâtiment mais surtout une composition horizontale qui crée une opposition entre la partie supérieure de l’image, occupée par la rigueur de l’architecture, et la partie inférieure où s’agite le peuple manifestant.
La grande guerre 1914 -1918
Il y a une évidente parenté entre le travail de TARDI et celui d’Otto Dix. Celui-ci a certainement eu une influence sur le graphisme de TARDI, sur sa représentation sans concession de la guerre. On reconnaît la forme honteuse et grotesque que tous deux donnent à la mort. Ils mettent en forme sa trivialité.
La guerre n’est pas que l’expression d’un conflit violent et armé, c’est aussi et surtout pour chaque soldat la faim, la peur, la crasse, les rats, le bruit,…
Otto Dix, série « La Guerre » (« Morts devant la position de Tahure », « Soldat à l’agonie », « Cadavre dans les barbelés ») entre 1924 et 1925, eaux fortes / dessins de Tardi, « c’était la guerre des tranchées », « le Der des Ders ».
fin de la première partie.
- L’album (les influences, la prépublication, 46 pages ou roman graphique?).
- La page (les couleurs / le vocabulaire, la grammaire graphique, les outils / la case et le texte / composition de la page).
- Le paysage et la mort
- Film et film d’animation
- Fenêtres
- Un spectacle en famille
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